Quand j'étais haute comme "Trois Pommes"

"Trio de Pommes", huile sur toile de Canelle

TROIS POMMES

Quand j’étais haute comme trois pommes…

… Je me souviens de ces paniers remplis de ces fruits du jardin que papa rapportait à la maison. Il les posait dans la cuisine et ils embaumaient la pièce de leur fragrance acidulée.

Puis maman, prenant du temps sur celui si précieux qu’elle n’avait déjà pas, très affairée par les maintes taches inhérentes à la présence de ses nombreux enfants, mettait la main à la pâte. Comme un rite, elle posait sur la table les ustensiles et les ingrédients nécessaires à la préparation de son gâteau.  Dans le saladier creux, elle y mettait, dans l’ordre, et ce détail elle y tenait beaucoup, les œufs, le sucre, la vanille, la farine, la levure, la cannelle, les amandes effilées, les raisins secs parfois trempés dans du rhum, qu’elle malaxait avec le fouet, au fur et à mesure, jusqu’à obtenir une pâte homogène, souple et soyeuse. Puis elle prenait, une à une, ces pommes qu’elle épluchait méticuleusement pour ne pas en gâcher et les coupait en quartiers qu’elle gravait de plusieurs estafilades parallèles.

Puis, dans un moule amplement beurré, elle disposait en rond, les quartiers rainurés offrant à notre vue une belle rosace. Elle parsemait sur son œuvre, le reste des raisins secs et des amandes effilées, recouvrait le tout de cette pâte épousant les formes du moule et des morceaux de pommes, et nourrissait le four qu’au préalable elle avait fait chauffer, de sa gourmande composition.

Dès les premières minutes, l’effluve des pommes léchées par la chaleur de ce fourneau venait titiller et ravir nos narines d’enfants. Trois quarts d’heure après, le gâteau doré à point sentant la cannelle était livré à nos yeux et à notre appétit. Après l’avoir démoulé avec précaution, maman le posait sur un plat, puis, à l’aide d’un tamis, en saupoudrait la surface encore chaude de sucre glace. Cette fine couche blanche semblable à la neige finissait par fondre sur les quartiers qui s’en imbibaient, restant visible uniquement sur la cime des vallons formés par la pâte.

Je sens encore ces pommes dorées au four, je ressens toujours cette douceur de ce moment de partage avec mes frères et sœurs rassemblés autour de la table de cuisine, les yeux grand écarquillés autour de ce cadeau, gâteau "fait maman" avec les pommes ramassées par papa, dessert si savoureux que l’on dévorait avec grand plaisir, en se pourléchant les doigts.

C’est de cette odeur de cannelle dont je me souviens…

… Quand j’étais haute comme trois pommes.

Canelle

29.12.2010