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4 février 2006

Le Moulin du Bonheur

moulin

Le Moulin de Jean FEUGEREUX

LE MOULIN DU BONHEUR

"Il n'avait jamais dit à personne ce qu'il avait vu ce soir-là, devant le moulin...".

Voilà pourquoi d'un coup, il paraissait si mélancolique, si anéanti, si triste, si lointain. Ce qu'il avait vu ce soir-là, l'avait tué, à l'instar d'un sabre en plein cœur, lui, ce bel homme aux cheveux poivre et sel, cet homme aux apparences d'un roc inébranlable. Ce qu'il avait vu ce soir-là, l'avait désarçonné, lui avait fait perdre pied, lui toujours si sûr de lui, si sûr de ceux qu'il aimait.

Il avait l'habitude de venir là, devant le moulin, celui de son enfance, pour se ressourcer, seul, ou au bras de sa bien-aimée. C'est là-même qu'il l'avait rencontrée, qu'il l'avait séduite, qu'il l'avait aimée pour la première fois au sens biblique du terme. Elle était l'Amour de sa vie. Sans elle, il n'était rien.

S'empreindre de son visage, de son sourire, entendre sa voix, toucher sa peau, se délecter de son odeur, se griser de sa douceur, s'enivrer de ses caresses étaient autant de besoins qui nourrissaient son appétence. Elle était sa vie, son oxygène. Ces deux tourtereaux ne faisaient qu'un.

Quand il venait devant le moulin, la nécessité de sentir ce vent glisser sur ses cheveux, caresser ses joues, bercer ses paupières closes, au milieu de ces blés ondulants blondis par le soleil qui laissaient entendre un léger bruissement au gré de la houle du vent, lui redonnait un grand coup de fouet.

Harassé par une dure journée de labeur, ce soir-là, devant le moulin, sa seule envie était de s'asseoir, adossé au chêne centenaire solidement ancré devant la vieille mais solide bâtisse qu'était ce moulin, et de se reposer un peu, de se détendre.

Tout à coup, un détail attira son attention. Dans le halo rougeoyant du soleil couchant, un homme enlaçait sa dulcinée.

Il n'en crut pas ses yeux ! Il hallucinait ! Sa belle dans les bras d'un autre ! Tout bascula face au tableau de cet inconnu auquel s'accrochait son Amour, ses bras noués autour de son cou. Ses larmes se mirent à couler le long de ses joues. Il se mit à douter. Son Amour l'avait-il fuit pour un autre ? Il en doutait, se posait la question, n'y croyait pas, ne voulait pas le savoir. C'était impossible ! Pas à lui ! Non, cela ne pouvait pas lui arriver !

Et pourtant elle était bien là, belle, souriante, heureuse, suspendue au cou de cet homme. Elle respirait le bonheur comme jamais. Il l'entendait rire pendant que lui pleurait. Il imaginait son cœur battre la chamade pour cet inconnu, alors que lui sentait le sien tambouriner contre ses tempes. Il souffrait, il avait mal, il ne comprenait pas pourquoi.

Tous ces jours écoulés auprès de sa belle n'étaient-ils qu'illusion ? Non pourtant, il en était sûr, ils s'aimaient, ils s'adoraient, ne faisaient jamais rien l'un sans l'autre, partageaient tout, les instants de tristesse comme les instants de bonheur. Ils étaient heureux, mais alors pourquoi ? Pourquoi s'était-elle jetée dans les bras d'un autre ? Quelque chose lui échappait, mais il ne savait quoi exactement.

A travers le brouillard de ses yeux, il la voyait toujours, virevoltant comme une libellule autour de cet homme, son corps collé au sien, la tête légèrement en arrière, insouciante de la vie qui grouillait autour d'elle, profitant de chaque instant, se détachant de lui en tournant sur elle-même comme une toupie, et lui, la rattrapant du bout des doigts, la ramenant tendrement à lui pour poser un baiser sur ses lèvres.

Il avait déjà vu cette scène, mais où ? Sa mémoire lui faisait défaut.

De mille perles salées, ses yeux larmoyaient, son âme pleurait, son cœur sanglotait.

Il ne pouvait imaginer avoir perdu celle qui lui criait son amour encore la veille.

Plus il pleurait et plus les images devenaient diffuses, embrouillées, confuses. Il sentait qu'il la perdait à tout jamais. Tout s'écroulait autour de lui. Il était seul au monde, au milieu de nulle part, face à lui-même.

Pourquoi son Grand Amour avait fuit entre ses doigts et comment avait-il pu le laisser s'échapper ? Il n'avait rien vu venir.

Il ne sait combien de temps il resta là, avec ces images floues s'entrechoquant dans son cerveau brumeux. Il reprit ses esprits lorsqu'une pluie fine lui lécha le visage.

Après s'être ressaisi, il sortit de sa torpeur et se rendit à l'évidence : il n'avait fait que rêver... ! Grisé par ses souvenirs, il avait fini par sombrer dans un sommeil à demi-comateux. Ses cauchemars adultérins n'étaient autres que les réminiscences des instants de bonheur partagés à cet endroit-même entre lui et de sa belle.

- Satanés rêves !!! - Diaboliques cauchemars !!! - Sacrées hallucinations !!!

Il s'en voulait de cette imagination débordante qui l'avait tant déstabilisé durant ces quelques instants ! Comment avait-il pu douter une seule minute de cette femme qui était tout pour lui ? Derrière son apparente assurance, se cachaient, comme tout un chacun, des monstres de doutes l'ayant poussé à confondre ses moments de bonheur passés avec une quelconque trahison de son Amour.

En arriver à confondre rêve et réalité !!!

Honteux, il se releva, regarda le ciel assombri par la nuit naissante et se surprit à crier à tue-tête, bras ouverts vers les cieux, à tous ceux qui voulaient bien l'entendre :

- Au diable ces rêves ! - Aux diables ces mauvaises pensées !"

Une seule réponse parvint à ses oreilles..... l'écho de sa propre voix.

Se rendant compte de sa stupidité, il se mit à rire à pleins poumons et repartit, léger et riche de son bonheur.

Voilà pourquoi...

... "Il n'avait jamais dit à personne ce qu'il avait vu ce soir-là, devant le moulin...".

canelle

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