Coup d'oeil dans le rétroviseur

8 mai 2009

COUP D'OEIL DANS LE RETROVISEUR

Depuis quelques minutes, les voilà partis en voiture.

C'est le tout début du mois de mai et il fait déjà une chaleur accablante, près de 30°C et pas un brin d'air. Tranquillement, ils roulent les fenêtres grand ouvertes, et la musique, dans l’habitacle, bât son plein à tue-tête. Le duo écoute de la valse musette.

Ensemble, ils traversent les terres plates de cette belle région en grande partie recouvertes de légumineuses prêtes à être récoltées et de grands vergers dont les pâles fleurs sont déjà tombées pour laisser place aux fruits naissants.

Passé les méandres des ruelles étroites de deux petits villages plantés de maisons aux murs d’ocre, ils prennent, sur quelques kilomètres, la voie rapide bordée de terres incultes et arrivent à un grand rond-point.

A l’avant-dernière sortie de la grande place circulaire, en l’espace de quelques fractions de secondes, un flash la tétanise. C’est le retour sur un moment de sa vie.

Devant elle, le même péage d’où elle est sortie, quelques années en arrière, seule dans sa voiture, un peu perdue dans cette région inconnue.

Cette même autoroute sur laquelle elle a parcouru plusieurs centaines de kilomètres d’affilée, une partie en pleurs, juste forte de son amour pour cet homme qui l’attendait, cette autoroute aux mille dangers qu’elle a affrontés yeux rivés sur les bandes blanches des voies tracées sur l’asphalte noir, comme un automate dont on remonte la mécanique pour le mettre en marche le temps de son numéro. Ce jour-là, c’était un robot, oui, un vrai robot. Elle ne sait toujours pas à quelle force elle obéissait et qui la guidait durant toutes ces heures dans son périple. Etait-ce son ange-gardien, cet être spécial qui veille sur vous en silence, vous regarde, vous parle tout doucement et vous guide sans bruit ? Jamais elle ne le saura. Elle se rappelle simplement s’être arrêtée très ponctuellement à chaque barrière de péage, mais, très bizarrement, n’avoir mémorisé aucun des visages de ses interlocuteurs derrière les vitres des guitounes, s’être arrêtée également pour faire le plein en gasoil de sa voiture, et d’avoir, à chaque arrêt, bu un thé bien chaud à très petites gorgées, cadencées, comme si elle exécutait un rite, les yeux plongés dans le néant. Rien de plus... Si, quelque chose de plus, d’importance, à chacun de ses arrêts, un appel téléphonique à l’homme qui l’attendait, et qui devait compter les heures, dans l’inquiétude, dans l’attente de son arrivée. Mais en vain. Aucune personne au bout du fil pour lui répondre.

Un violent coup de freins la ramène à la réalité. Un petit animal à la queue en panache est là, apeuré, figé en plein milieu de cette petite route. Encore sous l’emprise de sa peur, l’écureuil, en zigzagant, détale à toute vitesse en direction du bas-côté de la chaussée, et disparaît au milieu des herbes hautes.

A cet instant, il voit sa femme, le visage décomposé, les yeux embués et ne comprend pas pourquoi elle s’est mise dans cet état là pour un seul coup de frein.

Elle se reprend, essuie ses yeux avec un mouchoir en papier, se mouche le nez et se met à parler.

Face à eux, sur la ligne d’horizon, un mont culminant, tout de blanc vêtu, trône fièrement et se pavane sous ses meilleurs atours.

Ils laissent ce plat pays et s’engagent sur une petite route de campagne à travers de petits monts tapissés d’un patchwork de vignobles dont les bourgeons duveteux argentés nés sur les ceps dénudés mais solidement ancrés dans la terre se sont enfin ouverts pour laisser place à de nouveaux feuillages parés d'un vert printanier. De ses rayons puissants, le soleil au zénith lèche leurs tendres nervures.

- Tu sais mon chéri, il y a une vingtaine d’années, ………….

(Nouvelle en cours d'écriture, à suivre)

Canelle
08/05/2009